Chercheur attentif et soucieux, Vincent Chevillon suit les traces des animaux et consigne ses pensées dans des prises de vue tirées au cordeau.
Chaque détail révélé par l’image photographique pourrait lui apporter une réponse et permettre l’avancée d’une enquête infinie… Ses expositions sont autant de pistes explorées méticuleusement pendant des années : l’artiste organise chaque pièce de son œuvre comme une porte des enfers, un génial maelstrom de troncs, de pierres, d’os et de plumes, au creux duquel règne un équilibre flottant.
Qu’il voyage en catamaran ou dans les réserves des musées, Vincent Chevillon trace d’adroites lignes des vents entre les Canaries, la mer Baltique, le rocher du Diamant ou les réserves de chasse du Duc du Luxembourg. Il s’intéresse à tout, de la dentition des cachalots, qui n’ont qu’une vingtaine de dents sur la mâchoire inférieure et qui avalent tout rond les calmars, à l’arthrose des éléphants d’Asie, enfermés dans des cages
contraignant le développement de leur colonne vertébrale. Il lit Giono, Tournier, Goethe, Haraway, Ingold et Glissant.
Ah ! mémoire rocailleuse insurge-toi en taillis. / Chaque buisson de mémoire cache un tireur. / Sur nos têtes le battement du moulin / Dans nos nuits toussent les boucans / L’homme a beau faire le cri prend racines.
(Édouard Glissant, « Le sang rivé », éditions Présence Africaine, 2012)
Pour lui, « les mots qui sont dits ont une incidence sur le monde ». Dans l’espace, son œuvre se déploie ; les pièces monumentales, superbes réalisations d’un artiste-artisan, montées en polyptyques, débitées, scandent la pesanteur des mots. Et les oiseaux semblent tomber du ciel…
Céline Duval