Une panique d’abord maîtrisée, puis vertigineuse, le gagna lorsqu’il échoua également à glisser des rondins sous la quille pour la faire rouler, comme il valait vu faire pour des fûts de colonnes lors de la construction de la cathédrale d’York. la coque était inébranlable, et Robinson parvint tout juste à défoncer l’un des couples en pesant sur elle avec un pieu qu'il basculait en levier sur une bûche. Au bout de trois trous d’efforts, la fatigue et la colère lui brouillaient la vue. Il songea alors à un ultime procédé pour parvenir à cette mis à flot. Puisqu’il ne pouvait faire glisser l’Evasion jusqu’à la mer, il pourrait peut-être faire monter la mer jusqu’à elle.

Vendredi ou les limbes du Pacifique, Michel Tournier


Dix ans de manifestations Sancy Horizons, nous ont permis de réfléchir à l’impact de l’homme sur le paysage, et par extension à la relation de l’homme à l’environnement qui le supporte.

Il y a un peu plus de dix ans, en février 2005, était signé le protocole de Kyoto.
Cette réunion d’états membres de l’ONU prévoyait d’engager un ensemble d’actions visant à réduire l’impact de l’homme sur le climat, et donc à fortiori sur son environnement.
Un renversement de situation semble aujourd’hui s’opérer. Ce ne sont plus seulement des images qui nous parviennent mais des hommes, des nuages, des faunes qui traversent les frontières et viennent témoigner de l’état du monde.

« Tentative d’Evasion » est bien évidemment plus une question, qu’une proposition.
Evasion est le nom que Robinson Crusoe, dans le livre de Michel Tournier, donne au navire qu’il décide de construire pour quitter l’île. « Tentative d’Evasion » pourrait être la reconstitution d’une fiction littéraire… mais également une forme plus politique, plus concrète et donc évidemment plus dramatique.

A partir de la charpente en bois d’une grange, un chantier naval ​a été établi au sommet d’un volcan éteint. Retournement significatif de l’abri sédentaire en refuge nomade.
Pour modèle du vaisseau, les yoles antillaises et en particulier celles haïtiennes construites à partir de matériaux de fortune, véhicule symbolique d’un peuple martyr, à entendre au sens étymologique c’est à dire d’un peuple «témoin», modelé et modèle de notre modernité post-coloniale.

Chantier inachevé, inachevable, utopie, résilience, résignation, vestige d’un rêve aux sonorités coloniales, cauchemar clandestin, désaveu expansionniste, archéologie du futur…
« Tentative d’Evasion » par son aspect intermédiaire, à la fois chantier et ruine, se place entre deux mouvement à priori opposé, l’un tourné vers le passé l’autre vers l’avenir.

Tentative d'Evasion,
installation in situ: charpente de grange.
1700 x 600 x 550 cm,
Massif du Sancy, Manifestation Horizons
2016