Traditionnellement, scrimshaw est le nom donné aux pièces façonnées dans l’os ou l’ivoire des mammifères marins. Ces objets, ces fétiches, façonnés pendant les heures de loisir en mer, servaient de monnaie d’échanges aux baleiniers auprès d’amateurs de curiosités qu’ils rencontraient pendant leurs escales.
Artefacts empreints de formes vernaculaires traditionnelles, ils n’en sont pas moins objets de créolité.
Objets d’intrigues, objets en crises, syncrétisme anachronique, ceux-ci ont pour grandes soeurs les cultures populaires, patchworks d’héritages multiple, fruits hybrides de crises et de rupture, jeux de ficelles, cosmologies cosmopolites.
En effet, ils condensent et synthétisent au sein d’un même objet des traditions culturelles variées, les remanient dans une mythologie et une imagerie occidentale, et s’affirment pourtant comme des témoins directs d’une mémoire individuelle.
Ces objets concentrent en un même objet le trophée (preuve directe de l’exploit) et le récit de l’épopée. Ils sont – d’une manière singulière – des preuves – mérite quasi exclusif qu’endosse la photographie –, mais s’en éloignent par leur caractère profondément subjectif, et par leur façon d’incarner de façon matérielle et directe un vestige mythique.
Ces objets-frontières correspondent pour moi à des intermédiaires entre des mondes hypothétiques et l’espace physique du lieu où ils s’installent. Leur fréquentation avec d’autres objets, leur mobilité dans un même espace m’engage à une réflexion sur l’élaboration de tensions scéniques favorables à des «situations» narratives et/ou à des organisations dynamiques de l’espace.
Le projet Scrimshaws traite de la question de l’héritage, pierre de chevet de la culture moderne, par la migration de symboles (par le biais du document ou du témoignage) et leurs adaptations réciproques.
Nous y décryptons le témoignage de rêves humains, dépossessions et possessions: Spermwhaler’s dream.