« Where are your monuments, your battles, martyrs
Where is your tribal memory ? Sirs,
in that grey vault. The sea. The sea
has locked them up. The sea is History »

Derek Walcott.

« Pitt » désigne en créole antillais une arène dans laquelle est organisée des combats de coq ou d’animaux (mangouste / serpent, chiens), des fortunes s’y jouent au prix du sang.
The Pit évoque l’étendue entre des mondes (l’ancien(s) et le nouveau(x), celui des vivants et celui des morts), le terme nous ramène également aux béances aveugles des horreurs passées; Ces vers de Derek Walcott en illustrent magistralement la tragédie.

La vidéo a été réalisée lors d’une transatlantique à bord d’un voilier depuis l’ île de San Antao au Cap-vert jusqu’en Martinique dans l’archipels caraïbes selon un cap Est-Ouest entre le 14° et le 16° parallèle.
Cette route historique a été pendant longtemps le trajet des navires de bois d’ébène (négriers).
Monté en boucle, le film enchaine sans fin le passage de l’astre solaire d’un écran à l’autre. Entre ces deux horizons, l’opacité silencieuse du gouffre atlantique.
Sculpture mouvante, stèle muette, maelstrom, porte abyssale, la vidéo est projetée sur un mur nu, la base de l'image reposant au niveau sol. La taille de l'image pouvant aller de la taille d'un individu à la façade d'un immeuble.

Remarque: Le premier lien viméo ne présente qu'un extrait du film (246 minutes) monté en boucle sans aucune interruption du flux vidéo.
Le deuxième une capture lors de la Nuit Blanche 2021 au Collège des Bernardins (capture vidéo par Lucinda Groueff).

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« Ce qui pétrifie, dans l’expérience du déportement des Africains vers les Amériques, sans doute est-ce l’inconnu, affronté sans préparation ni défi. La première ténébreuse fut l’arrachement au pays quotidien, aux dieux protecteurs , à la communauté tutélaire. Mais cela n’est rien encore. L’exil se supporte, même quand il foudroie. La deuxième nuit fut tortures, de la dégénérescence d’être, parvenue de tant d’incroyables géhennes. Supposez deux cents personnes entassées dans un espace qui à peine en eût pu contenir le tiers. Supposez le vomi, les chairs à vif, les poux en sarabande, les morts affalés, les agonisants croupis. […]
Mais cela n’est rien encore. Le terrifiant est le gouffre, trois fois noué à l’inconnu. Une fois donc, inaugurale, quand tu tombes dans le ventre de la barque. Une barque selon ta poétique, n’a pas de ventre, une barque n’engloutit pas, ne dévore pas, une barque se dirige à plein ciel. Le ventre de cette barque-ci te dissout, te précipite dans un non-monde où tu cries. Cette barque est une matrice, le gouffre- matrice. Génératrice de ta clameur. »

Edouard Glissant, La barque ouverte, Poétique de la relation.