Les hamacs de Branles et corps-morts forment et informent une installation aux contours jamais identiques. Appartenant au vocabulaire marin, les hamacs s’ouvrent à de multiples usages et symboliques. Suspendus ou étendus, ils se mutent de couchage en rideau, de tapis en cape ou encore en balluchon de voyage. S’ils accueillent des corps au repos, ils sont eux-mêmes facilement transportables. Teintés de deuil, ils envelopperont un jour la dépouille d’un marin, devenant son dernier véhicule entre deux mondes. Riches de milles récits infiniment réversibles, les montages de Vincent Chevillon interrogent ainsi de manière auto-réflexive la valeur et la destinée des choses qui les composent.

Isabelle Henrion, commissaire d’exposition indépendante.

J’ai souvent eu un hamac dans l’atelier, mon « branle de travail », précieuse enveloppe du rêve, facilement transportable, pratique car pouvant s’adapter à d’autres usages (sac, cape, abri, paillasse, etc…).

Les marins morts à bord étaient souvent enveloppés dans leur hamac recousu avant immersion.

L’expression «branle bas de combat» traduit un autre usage de cette pièce de tissu roulée comme protection contre les éclats et les balles.

Fidèle aux déplacements (physiques, symboliques et d’usages) que j’opère auprès de mes sources puis des objets qui en découlent, Branles… sculptural dans certaine situation, se fond en mobilier, en support, en cloison (hamac, tapis, baluchon, rideau)…

Les hamacs noirs, comme la majeure partie des objets que je façonne ou que j’invite font partie d’un champ lexical dans lequel je puise pour produire des situations, des scènes, des agencements.

Il ne s’agit pas simplement d’une matière, mais d’un objet singulier avec des attributs, une entité qui va tenir des rôles, se métamorphoser, se fondre.

Teinté de deuil, Branles oscille entre abandon et pesanteur funeste, insouciance et alchimie mélancolique.

Il n’est pas sans rappeler les linges infectés laissé suspendu dans les forêts afin que les indigènes malgré leur méfiance emportent chez eux la désolation, ou encore le balluchon du voyageur gorgé de merveilles, chargé par les vies qui l’ont porté et qu’il a contenu, isolé du sol lors du repos pour ne pas être vicié, cogné, emporté par les indésirables. Selon les agencements, j’énonce des scénarii, des troubles portant des problématiques singulières. Double mouvement, l’ambivalence est précieuse pour peser, pour comprendre, pour continuer sans tomber.

Branles et corps morts,
Hamacs, corde, acier, pierre indigène